Horrible, effectivement.

index

    Joe d’Amato ne fut pas un grand cinéaste, sa filmographie est néanmoins prolifique. Dès le départ, il est d’un opportunisme fieffé, les westerns spaghetti ont la cote ? Allez je t’en fais quelques-uns avec les moyens du bord. Le giallo – sous genre entre policier et horreur – cartonne ? je m’y colle. Conan le barbare est un succès mondial ? Je pompe et je te sors Ator dans la foulée. Et ça marche, car c’est la grandiose époque des vidéoclubs  durant laquelle, avec une couverture trompeuse et un slogan bien rentre dedans, on peut berner – dont moi le premier, à la recherche de sensations visuelles  fortes – le chaland qui passe pour égayer son samedi soir. Seulement voilà, Joe d’Amato, à l’instar d’un Bruno Mattéi, n’est pas pétri de talent. Il filme mal, la lenteur de ses plans et de ses séquences se voudraient soignées, elle montre surtout ses limites. Toujours suiviste, sa carrière va s’orienter aux débuts des années 80 vers la pornographie, tout d’abord avec du porno-erotico-gore, comme Emanuelle et les derniers cannibales, 1977 – vous aurez remarqué le seul *m* du prénom pour ne pas avoir à payer de droits tout en surfant sur la vague érotique de celle avec deux *m*- ou le barré Porno Holocaust, 1981, surfant aussi sur la mode des films de cannibales. Enfin, il fait dans le X jusqu’à sa mort, en 1996.

     La même année, 1981, alors que Mitterand soulève l’enthousiasme des Français qui n’ont pas peur de l’arrivée des chars soviétiques sur les Champs-Élysées, d’Amato pond le troisième œuf de ce qu’il espère être sa trilogie, comme un Leone ou un Fulci. Donc après Blue Holocaust, 1979 et Anthropophagous, 1980, films mous, très gore, mais d’une fadeur incroyable pour des sujets comme la nécrophilie et l’anthropophagie, il nous catapulte Horrible, aka Rosso Sangue, aka Absurd, aka bien d’autres noms en fonction des latitudes où le film sort. Tiens, à propos de latitude, on ne sait pas où se déroule l’intrigue, bagnoles américaines, ville italienne, noms à consonance anglo-saxonne, présence d’acteurs noirs pour faire plus ricain, match de foot américain au ralenti – encore-, bande de motards évoquant vaguement l’équipée sauvage, bref, à l’image du film, du grand n’importe quoi.

rossosangue01

L’histoire : un balèze, joué par le nullissime George Eastman, encore un nom d’emprunt, s’échappe de l’hosto après avoir été poursuivi par un prêtre, tiens ça vous rappelle rien ? Comme les cellules de son corps  ne meurent pas, il peut s’adonner à moult crimes tout en essuyant pruneaux et coups de ciseaux. A cela on rajoute une jeune fille handicapée coincée dans son lit médicalisé et un petit frère particulièrement casse bonbon, dont les parents indignes sont partis en soirée bouffer des pâtes, et vous avez le suspense à son comble, sachant que le costaud va faire un tour…du côté de la maison des mioches. Il cause pas, le malabar, c’est d’ailleurs tant mieux, étant donné les dialogues d’une bêtise crasse qui sortent de la bouche des autres personnages, aggravée par une version française qui fait saigner les oreilles. Une course poursuite d’une langueur qui ne sied pas du tout à ce genre de toile fait que les 96 minutes du film passent…passent…passent….Bon, admettons, côté gore on est servi, ça enfourne, ça scalpe, ça égorge, ça décapite, mais ça se veut sérieux, alors qu’à l’époque, et même maintenant, l’amateur de gore veut en rigoler. C’est de la catharsis Joe, nom de dieu ! Pas un pseudo-pensum indigeste !

Le montage est tout à fait indigent, on a l’impression que des scènes ont été placées au hasard, défiant toute logique et crédibilité. En outre, les crimes complaisamment exhibés laissent indifférent le spectateur habitué à la barbaque. En ce qui concerne la fin, faut accroire qu’il n’y avait plus de pellicule ou de pognon, tellement elle est ridicule. Mais bon, tout gâteau mérite sa cerise. Toute la distribution, est sous pseudo, procédé très répandu à l’époque certes, mais qui se justifie aisément dans le cas présent. Avouer avoir joué là-dedans, c’est un tantinet la honte. Le marché de la vidéo justifie néanmoins, d’un point de vue lucratif, la mise en rayon de ce type de navet.

283_rosso7

Le cinoche italien de la période est, dans les genres méprisés à l’époque, riche en giallos et productions horrifiques. Si un Argento commet de véritables chefs-d’oeuvre, toute une cohorte de besogneux enfile les nanars à un rythme effréné. Le début des années 80 marque à ce titre la décadence de ces sous-genres, et dans la foulée d’un cinéma italien vampirisé par la téloche berlusconnienne, entre autres. Ceci dit, je me suis fait moins chier que devant Blade Runner 2049.

2 réflexions sur “Horrible, effectivement.

  1. Quelle culture encyclopédique sur le sujet ! D’autant plus que t’allumes pas mal mais pour critiquer avec le cerveau vaut mieux avoir été bien nourri.
    Je ne suis pas fan, au début des 80 ‘s je devais attendre un train de nuit à 23 heures tous les vendredis à la gare de Mulhouse, j’allais dans un ciné miteux tout près, il ne passait pratiquement que des films de séries non A. Je me suis fait l’invasion des araignées géantes ou Piranhas, l’horreur animalière, ils aimaient bien, je rigolais un peu au final, mais peur pas vraiment. Puis je suis tombé sur des trucs plus potable comme the thing mais c’était rare. J’avoue qu’aujourd’hui l’aurais du mal même en streaming gratos. Sinon, oui le nouveau Blade n’est qu’un polar…un peu trop fidèle et surtout trop sage.
    C’est bien que tu ais repris mais je crois qu’on souffre des mêmes absences -))

    J’aime

Laisser un commentaire