Chlorophylle raout

Ah 1968… Année fatidique pour l’occident chrétien selon les archéologues de la pensée binaire estampillés vingt-et-unième siècle…L’an 1 de votre serviteur…Et aussi ça, ce truc, enfin ce film : Mad doctor of blood island [aka Le médecin dément de l’île de sang] a été commis par Eddie Romero et Gerry de Leon. Il parait qu’à deux, on est plus forts ou on peut aller plus loin. Mouais….

Alors, si on commençait par l’histoire ? Bon, un homme et une femme se rendent en rafiot sur un île exotique dans le but de retrouver le daron de la dame [mais non, chuis con, c’est des hippies qui boivent un liquide vert dans des éprouvettes, on ne saura jamais pourquoi]. Arrivés sur place, ils découvrent que papa est plus souvent bourré qu’à jeun. Très vite, on se désintéresse de cette amorce d’histoire au profit d’une créature qui hante l’île tout en commettant d’horribles meurtres et on apprend qu’il est question de chlorophylle coquine qui sert de sang, diantre. Ah mais, on ne la leur fait pas, aux deux détectives en herbe, ils vont chercher à savoir qui est derrière tout ça. En fait pas du tout, le film part dans tous les sens et aligne ostensiblement des images d’un psychédélisme kitch.

Le cahier des charges du film d’exploitation de la fin des sixties peut se déployer dans toute sa… lenteur bavarde. Déjà, le rythme neurasthénique du métrage annonce une très longue heure et demie ; ça cause, ça papote, ça digresse. De quoi ? D’obscures malédictions. L’exotisme consiste à montrer des indigènes en pagne et en collier de fleurs pour les gonzesses, se prélassant dans des pauses vaguement érotisantes dans un décor en carton. L’horreur, quant à elle, surgit, tellement inattendue qu’on ne peut qu’en sourire, de dos par la créature qui étripe ses victimes à grands renforts de cris hurlements. On a posé à la va-vite quelques tripailles pour faire gore. L’érotisme, c’est des danses lascives sur une musique d’ascenseur pop et un bout de sein par ci par là. Bon ok, on est en 68, mais quand même, l’affiche promettait du grivois ! Les cris, c’est sur eux que repose le film, parce que pour le reste, on peut toujours attendre. Ils sont stridents, suraigus, ils déchirent les tympans à défaut d’apporter quoique ce soit.

Dans la jungle philippine tout le monde t’entend crier.

Curieux donc que ce navet jouisse d’une petite réputation, alors qu’il est sorti – rapidement il est vrai – en France, contrairement à tous ses avatars de la série des Of Blood [Terror of blood island, Brides of blood island ou Beast of blood] mais force est de constater que la « violence extrême » que certains ont vue et la façon dont les séquences sont filmées et « montées » ont dû avoir un effet de surprise dans un truc où il ne se passe rien.

Ce qui est dérangeant quant à ce navet, c’est qu’il ne fait pas du tout preuve de second degré ni d’humour noir, tout est pris au pied de la lettre. Les personnages *occidentaux* sont sentencieux, les indigènes sont des arriérés qui ne pensent qu’à danser et à forniquer, le médecin dément est moyennement fou, mais très bavard. Le montage est carrément à la ramasse : une séquence passe du jour à la nuit, puis inversement. La caméra fait des zooms avant-arrières hystériques pour montrer le point de vue de la créature [Mario Bava sous acide]. Certaines scènes consistent à montrer les personnages descendre un talus dans la jungle… pour le remonter l’instant d’après. Les décors sont grotesques, le bruit du parquet en bois sur lequel on marche dans la grotte est toutefois un passage hilarant. Plus malsain dans cette relecture du mythe de Frankenstein, la mise à mort réelle des deux chèvres et de deux marcassins – enfin un animal du genre – complaisamment filmée. Beurk.

Bref, Mad Doctor of Blood Island est un pur produit du cinéma d’exploitation, on lui saura gré de ce côté philippin et d’avoir fait passer, en ce qui me concerne, un après-midi dominical et pluvieux. A ce propos, je tiens à remercier Cyp pour le boulot sur les sous-titres qui eux, sont hilarants tant c’est nawak. Faut dire aussi qu’il permettent d’éviter l’assoupissement 🙂

10 réflexions sur “Chlorophylle raout

Laisser un commentaire