Sa majesté des mioches

Des garçons qui n’ont pas l’air si sauvages que ça

Le viol d’un jeune homme perdu sur une plage par des marins marque le point de départ du film de Bertrand Mandico, Les garçons sauvages. Ambiance. Retour en arrière : Tanguy – l’ado en question – et quatre de ses camarades sèment la terreur sur une île, notamment en torturant et tuant une prof, après l’avoir copieusement arrosée… de sperme. Jugés, ces enfants de bonne famille affirment que c’est l’enseignante qui a ourdi ce drame. Bon, ils vont se racheter pensent hardiment les familles bourgeoises des garnements. Aller zou, une petite croisière sous l’autorité d’un capitaine hollandais patibulaire et reconditionnement façon Orange Mécanique dans les embruns et à fonds de cale.

Le capitaine hollandais (volant ?) fait un deal avec la bourgeoisie

Dès lors, une sorte de croisière initiatique va conduire les jeunes gens sur des flots tempétueux et des épreuves salées – au passage on appréciera une magnifique maquette de navire, un vrai trucage à l’ancienne – vers une île paradisiaque et infernale, puis à nouveau en mer où éclate une mutinerie contre le capitaine. Mais on ne s’improvise pas matelot et c’est le naufrage. Dès lors s’enchaînent les séquences à haute valeur érotique sur l’île du plaisir. Les garçons se transforment en filles, les nénés poussent et les bites disparaissent ou tombent au sens propre.

Sur l’île dite du plaisir, en fait selon la légende l’île aux robes qui transforme les hommes en femmes par le biais des fruits dont elle regorge, ils/elles ont affaire au docteur Séverin, elle-même ayant changé de sexe, qui leur explique qu’un monde de meufs, ben, c’est un monde sans guerre. Mais Tanguy se barre et…retour au point de départ : les marins violeurs seront massacrés par la petite bande qui aura auparavant effectué avec eux une danse mortellement érotique. Oui mais, Tanguy – toujours lui – n’a qu’un sein, donc il reste sur l’île alors que la petite troupe reprend la mer. Comme le cruel capitaine ennoyé par lui, avec un seul sein, je sais pas si vous suivez, il décide de devenir…capitaine !

Des fruits pas du tout connotés

Pour dire les choses clairement, je ne sais pas trop quoi penser de ce film. Quoi ? C’est pas clair justement ? Disons que je suis partagé entre un certain émerveillement esthétique, enfin par moment, et agacé par un propos et des significations par trop appuyés. Tout d’abord le film est très beau dans sa composante noir et blanc : tantôt craspec, tantôt impec, il est envoûtant et met parfaitement en valeur les personnages. Les passages en couleur, par contre selon moi, sont inutiles et leur onirisme de pacotille n’apportent rien à l’histoire.

Vous l’aurez compris, il s’agit ici d’un conte initiatique et d’une réflexion sur la sexualité, le genre et la violence de l’adolescence. Bon, pourquoi , même si à mon âge, le cheveu chenu m’éloigne inexorablement des rivages turbulents de cette partie de la life, ne pas s’intéresser à ça ? Le problème, c’est que le symbolisme pesant tout le long du métrage en rajoute dans la démonstration lourdaude. L’élément liquide est omniprésent, les formes phalliques et les phallus aussi, même si l’on observe une transformation des formes vers quelque chose de plus…féminin…en corolle quoi. C’est aussi un film séminal, le sperme et le rhum coulent à flots, enfin si l’on peut dire. La crudité de certaines images ne choque pas et ne rend pas le propos plus intelligible : la teub tatouée du capitaine en est un exemple. D’ailleurs toutes les bites sont grosses, c’est certainement lié à la vision d’un sexualité propre à l’adolescence, et la transformation en fille, même si elle ne se fait pas sans heurt – un viol, encore, interrompu par la perte de l’organe masculin – est rapidement acceptée.

C’est un fameux trois mâts

Bon, côté dialogues, là aussi, du symbolique parfois pesant. L’île accostée « pue l’huître ». Je sais pas pour vous, mais j’aime bien l’odeur iodée de ce mollusque, à moins qu’il ne s’agisse du fumet du coquillage à la limite de consommation dépassée, genre vieille mou…, on se calme là. Ou encore « la végétation semble vivante », ce qui est ma foi bien vrai. En outre, une voix off trop présente et explicative ôte du charme et du mystère à cette histoire qui aurait pu s’en passer. Je pense même que le film aurait gagné à être muet. Oui, je sais, c’est mon côté extrême 🙂

Pour conclure, je dirais qu’on a affaire ici à une œuvre bivalve, comme Osteridae [je sais ça veut rien dire mais j’ai aussi droit à mon quota d’inanité non ?], pas inintéressante et parfois bien foutue, mais aussi assez lourdaude dans sa symbolique et dans ses propos. En écrivant cela, je viens de m’apercevoir que le film avait plutôt été encensé par la critique vronsaise chiante. Donc, les 46 000 entrées cinoche ne sont guère surprenantes.

PS : ce film est l’adaptation d’un roman de William Burroughs, Les garçons sauvages : un livre des morts.

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